Concession funéraire : ce que dit la jurisprudence sur les refus, l'espacement et le scellement d’urne

Eliott RUBINI    |   04/09/2025
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Découvrez les règles juridiques clés sur la concession funéraire : refus légaux, distances entre tombes, et droits sur le scellement des urnes.
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UI. Une concession funéraire peut-elle être refusée en cas de saturation du cimetière ?

TA Paris, 24 juin 2025, n° 2224521

Dans cette affaire, la Ville de Paris a opposé un refus à la demande de M. B, qui souhaitait obtenir une concession funéraire au cimetière du Montparnasse afin d’y déposer les cendres de Mme C. Pour justifier sa décision, la municipalité a mis en avant deux éléments : l’absence de disponibilité à la date du décès (23 mai 2021) et à celle de la demande (28 mai 2022), ainsi que l’absence d’urgence liée à l’inhumation, compte tenu du choix de la crémation.

Pourtant, l’article L. 2213‑13 du CGCT n’impose aucun critère de résidence pour accéder à une concession funéraire. En pratique, une personne non domiciliée dans la commune peut tout à fait y être inhumée, si aucune restriction n’est posée par le conseil municipal. La jurisprudence administrative interdit d’ailleurs toute limitation fondée sur la seule domiciliation (TA Orléans, 31 mai 1988), et reconnaît le droit à indemnisation en cas de refus illégal (CAA Marseille, 20 mai 1998).

Deux seuls motifs sont considérés comme légitimes pour refuser une concession funéraire :

  • L’indisponibilité avérée de places dans le cimetière communal,
  • L’absence de tout lien entre le défunt et la commune.

Le Conseil d’État (CE, 25 juin 2008, n° 297914) a réaffirmé que ces deux motifs constituent les seuls fondements valables. À Paris, l’attribution des concessions est encadrée par l’arrêté municipal du 1er juin 2005, selon lequel l’attribution dépend des disponibilités du cimetière et de son plan de gestion. Il est même prévu qu’une liste d’attente soit instaurée lorsque les emplacements se font rares.

Dans le cas présent, la Ville n’a pas démontré, pièces à l’appui, que le cimetière du Montparnasse était effectivement saturé au moment de la demande. Les éléments produits par M. B, faisant état de plusieurs inhumations durant cette période, n’ont pas été contestés sérieusement. Faute de preuve d’une réelle pénurie d’emplacements, le tribunal a annulé la décision municipale, estimant que le refus était infondé et contraire au principe d’égalité entre usagers du service public funéraire.

Cette décision illustre la nécessité, pour les communes, de justifier rigoureusement tout refus de concession funéraire, y compris lorsqu’il s’agit d’une urne cinéraire. Le juge veille à ce que la gestion du cimetière respecte les droits des administrés et ne repose pas sur des appréciations arbitraires.

 

II. Distances réglementaires entre sépultures : une contrainte légale incontournable

CAA Nantes, 13 juin 2025, n° 24NT00876

Dans cette affaire, les époux C. ont saisi la justice après qu’un nouveau caveau a été implanté trop près de la sépulture de leur fils, dans le cimetière communal d’Essé. Estimant que l’espacement entre les deux tombes était insuffisant, ils ont contesté la décision du maire ayant accordé cette concession.

La réglementation en vigueur, et notamment l’article R. 2223‑4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), impose une distance minimale entre chaque fosse : 30 à 40 centimètres sur les côtés, et 30 à 50 centimètres aux extrémités (tête et pieds). Ces espaces de séparation, appelés zones inter-tombales, ne sont pas de simples marges de confort : ils relèvent de l’organisation obligatoire des cimetières, et sont intégrés au domaine public communal.

Ce principe a été solidement établi depuis la célèbre décision du Conseil d’État dite « Marécar » (1935), laquelle a reconnu que les cimetières, affectés à l’usage direct du public, relèvent du domaine public. Les espaces entre concessions doivent donc rester accessibles, libres de toute appropriation ou encombrement, et le maire, en tant qu’autorité de police des cimetières, est tenu de les préserver.

Dans le cas d’Essé, la Cour administrative d’appel de Nantes a constaté que la distance minimale de 30 cm n’avait pas été respectée lors de l’attribution de la concession litigieuse. Le juge a rappelé que le règlement communal ne peut en aucun cas déroger à cette exigence légale, même s’il prévoit des aménagements ou adaptations locales.

En conséquence, la concession funéraire autorisée à une distance inférieure à la norme a été annulée, le tribunal soulignant l’obligation pour le maire d’assurer la bonne tenue du cimetière, tant en matière de salubrité que de sécurité. Ce jugement réaffirme que les règles d’aménagement des cimetières ne relèvent pas de l’arbitraire municipal, mais de normes impératives et protectrices de l’intérêt général.

III. Scellement d’une urne cinéraire : une interdiction générale jugée injustifiée

TA Dijon, 24 juin 2025, n° 2301891

Dans cette affaire, Mme A avait, de son vivant, sollicité l’autorisation de faire sceller l’urne contenant ses propres cendres sur un caveau familial situé dans le cimetière de Dirol. Le maire de la commune a refusé sa demande à deux reprises, les 1er mars 2021 et 19 décembre 2022.

Or, selon l’article L. 2223‑18‑2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), à la demande de la personne habilitée à organiser les funérailles, les cendres peuvent être soit inhumées dans une sépulture, soit déposées dans un columbarium, soit scellées sur un monument funéraire, à condition que cela ait lieu dans un site cinéraire ou un cimetière.

L’article R. 2213‑39 du CGCT précise que cette opération est soumise à une autorisation du maire, au même titre que toute autre modalité de traitement des cendres funéraires. Depuis un décret du 20 juillet 1998, le scellement d’une urne sur un monument est officiellement reconnu comme une forme d’inhumation, ce qui implique l’application des règles encadrant les concessions funéraires, tant sur le plan administratif que technique.

Toutefois, ce cadre réglementaire n’autorise pas un maire à interdire de manière générale cette pratique. En effet, un refus ne peut être opposé que sur des motifs précis et légitimes, tels qu’un trouble à l’ordre public, un risque sanitaire, ou un manquement manifeste aux règles de décence et de sécurité. En l’absence de telles justifications, une interdiction systématique est contraire à la légalité administrative.

Dans cette décision, le tribunal administratif de Dijon n’a pas contesté le principe du scellement, mais a rejeté la requête de Mme A pour un motif de recevabilité : sa demande ne pouvait être examinée en l’absence de décès, car seule la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles peut faire une telle demande. Il ne s’agissait donc pas d’un rejet sur le fond du droit au scellement, mais d’une irrecevabilité liée au moment de la demande.

Le juge en a profité pour rappeler un point essentiel : les règlements municipaux ne peuvent interdire globalement une pratique expressément prévue par la loi, même en invoquant un risque hypothétique de vandalisme. Si des risques existent, il appartient au maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police, d’y répondre de manière ciblée et proportionnée non par une interdiction absolue.

Enfin, cette décision souligne la nécessité pour les communes d’encadrer formellement le scellement des urnes dans leurs règlements de cimetière : description technique des matériaux autorisés, modalités de fixation, surveillance de l’opération, emplacement admissible sur les monuments. Ce cadre permettrait de garantir la dignité de la sépulture, tout en assurant la sécurité du cimetière et le respect des règles du domaine public.

 

 

 

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