La gestion environnementale des cimetières est un enjeu de plus en plus crucial, en raison des défis écologiques, sociologiques et juridiques qu'elle soulève. En France, les cimetières ont longtemps été perçus comme des espaces où la végétation non maîtrisée était considérée comme une négligence. Cette perception a conduit à l'utilisation intensive de produits phytosanitaires pour maintenir une apparence ordonnée et respectueuse des défunts. Cependant, les pratiques doivent évoluer face à la prise de conscience environnementale croissante.
Historiquement, les cimetières français ont été gérés de manière à minimiser la végétation spontanée, vue comme un signe de négligence et un manque de respect envers les défunts.
Une bonne gestion environnementale d’un cimetière impliquait traditionnellement une éradication systématique des mauvaises herbes, souvent réalisée par l'emploi de pesticides.
Cette approche, bien que considérée comme nécessaire par les usagers, est désormais remise en question en raison des dangers qu’elle présente pour la santé publique et la biodiversité.
Contrairement aux cimetières anglo-américains, souvent verdoyants et arborés, les cimetières français sont majoritairement minéraux. Cette prédominance du minéral se traduit par des stèles, des chapelles, et des allées bitumées, couvrant la totalité de la superficie des sépultures. Cette caractéristique a conduit à un recours massif et pratique aux produits phytosanitaires pour maintenir l’apparence souhaitée, qui s’avère aujourd’hui néfaste.
En effet, la législation française sur les cimetières a évolué pour mieux répondre aux enjeux écologiques actuels. Par exemple, le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804) stipule que les plantations dans les cimetières doivent être réalisées en prenant des précautions pour ne pas gêner la circulation de l’air, une disposition qui demeure toujours en vigueur.
Les années 2000 ont marqué une prise de conscience progressive des problématiques liées à la gestion environnementale, telles que la biodiversité et les dangers des produits phytosanitaires. Cette conscience s’est traduite par plusieurs initiatives, tant locales que nationales, visant à réduire l’utilisation de ces produits chimiques dans les cimetières.
Parmi les événements marquants, la création du Code de l’environnement en 2000 et l’adoption de la Charte de l’environnement en 2005 ont posé les bases d’une gestion plus respectueuse des espaces funéraires. La loi Labbé de 2014, qui encadre strictement l’utilisation des produits phytosanitaires, est un autre jalon important de cette évolution.
L’arrêté du 15 janvier 2021, applicable depuis le 1er juillet 2022, interdit l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les cimetières. Cette réforme a constitué une révolution pour la gestion environnementale des cimetières, nécessitant de repenser les méthodes d’entretien et la formation des agents municipaux.
L’abandon des produits phytosanitaires a également entraîné une mutation sociologique des cimetières. Désormais, ces lieux ne sont plus seulement perçus comme des espaces de recueillement, mais aussi comme des espaces de vie, de déambulation et de contemplation, répondant ainsi aux enjeux du réchauffement climatique. Les cimetières jouent désormais un rôle d’îlots de fraîcheur en milieu urbain, particulièrement en période de canicule.
Sur le plan environnemental, la végétalisation croissante des cimetières contribue à limiter le ruissellement des eaux de pluie et à prévenir les inondations. Bien que les initiatives varient d’une municipalité à l’autre, certaines villes se montrent exemplaires en devançant les réglementations, comme Strasbourg, qui a abandonné les pesticides bien avant l’entrée en vigueur de la loi Labbé.
Appliquer des règles environnementales strictes aux pratiques publiques des cimetières est un défi de taille. Les pouvoirs de police du maire, en matière de gestion des cimetières, sont limités par des textes qui ne prévoient pas explicitement de normes environnementales. Par exemple, l’art. L. 2213-9 du CGCT confère au maire la responsabilité de maintenir l’ordre et la décence dans les cimetières, mais ne lui donne pas les moyens d’imposer des règles de gestion écologique aux espaces concédés.
Les concessions funéraires sont des contrats sur des parcelles du domaine public du cimetière. Si ces contrats confèrent des droits réels aux titulaires, ils limitent également les possibilités pour l’autorité municipale d’imposer des règles d’aménagement. Selon l’art. L. 2223-12 du CGCT, les particuliers peuvent placer des pierres sépulcrales ou autres signes indicatifs de sépulture sans autorisation. Lorsque le terrain est concédé, ce droit appartient au concessionnaire ou à ses ayants droit.
Pour créer un cimetière naturel à caractère essentiellement végétal, les gestionnaires doivent naviguer entre les aspirations écologiques et les contraintes légales. Il est crucial d’informer et de sensibiliser les familles sur les pratiques écologiques, tout en respectant leur liberté d’aménagement. Une charte d’engagement des familles, bien que non contraignante, peut servir de base pour garantir le respect des principes écologiques.
Les cimetières naturels sont encore peu nombreux en France, mais les retours d’expérience montrent qu’ils peuvent jouer un rôle clé dans la gestion environnementale des espaces funéraires. L’arrêt de l’utilisation des produits phytosanitaires a permis l’émergence d’une nouvelle végétation et d’une biodiversité jusque-là absente, montrant l’attachement durable de la population à ces espaces verts.
Pour aller plus loin, des mesures telles que l’inhumation en pleine terre, l’utilisation exclusive de cercueils en bois brut, et l’interdiction de monuments en matériaux polluants peuvent être adoptées. Ces pratiques, bien qu’encore rares, répondent aux attentes croissantes en matière d’environnement et de durabilité.
Le développement de nouvelles solutions écologiques dans les cimetières se heurte à un cadre juridique souvent inadapté. Les évolutions législatives récentes posent des bases solides, mais leur mise en œuvre nécessite une grande prudence pour éviter les contentieux. Le lobbying associatif, parfois éloigné des réalités juridiques, peut également compliquer la situation.
Les gestionnaires doivent donc naviguer avec précaution, en veillant à intégrer les nouvelles pratiques écologiques tout en respectant les contraintes légales. La réussite de cette transition repose sur un équilibre délicat entre l’engagement des usagers, les compétences des autorités locales et l’adaptation continue du cadre réglementaire.
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