Blog

Columbariums et espaces cinéraires : quels droits de propriété intellectuelle ?

Rédigé par Eliott RUBINI | 18/06/2025

Il est désormais bien établi que les aménagements paysagers et cinéraires réalisés dans les cimetières ou autres espaces funéraires peuvent bénéficier des protections offertes par le droit de la propriété intellectuelle, notamment via le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles.

Ces mécanismes permettent d’interdire toute reproduction non autorisée de ces créations par d’autres opérateurs funéraires, dès lors qu’elles sont valablement protégées par un titre de propriété intellectuelle.

Toutefois, faire valoir ces droits en justice peut s’avérer complexe, comme en témoigne une affaire opposant la société SBT Columbarium à un artisan paysager.

Spécialisée dans l’aménagement d’espaces cinéraires, SBT Columbarium a engagé une action judiciaire contre ce professionnel, l’accusant de :

  • contrefaçon de son modèle de columbarium « Katrys », enregistré auprès de l’INPI en 2018 (sur le fondement des articles L. 521-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle),
  • et d’atteinte à ses droits d’auteur (article L. 335-3 du même code), estimant que les plans d’aménagement réalisés par l’artisan reprenaient de manière illicite la structure de ses propres créations paysagères, notamment la disposition des allées et des stèles.

La société demandait notamment l’interdiction de l’exploitation des aménagements incriminés ainsi que des dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à ses droits.

Le modèle Katrys face aux exigences de la propriété intellectuelle

Par une décision rendue le 15 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Lille a apporté un éclairage utile sur les difficultés juridiques liées à l’application des règles de propriété intellectuelle dans le secteur funéraire.

Dans le cadre d’une action intentée par la société SBT Columbarium pour contrefaçon de son modèle « Katrys », enregistré à l’INPI en 2018, le défendeur a répliqué en contestant la validité même du modèle invoqué.

Il sollicitait l’annulation de ce dépôt en se fondant sur les articles L. 511-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, qui exigent que tout modèle soit nouveau et présente un caractère propre au moment de son enregistrement.

Le défendeur soutenait que le modèle « Katrys » de 2018 reprenait les caractéristiques d’un modèle antérieur, déposé en 2013 par le dirigeant de SBT Columbarium à titre personnel. Cette antériorité interne privait donc le dépôt de 2018 de toute nouveauté, et rendait le droit invoqué invalide.

Le tribunal a donné raison au défendeur, constatant l’absence de nouveauté du modèle déposé en 2018, et prononçant en conséquence sa nullité. Sans titre valide, l’action en contrefaçon ne pouvait aboutir : pas de droit protégé, pas de contrefaçon possible.

Le jugement a également souligné un point juridique important : même si le modèle de 2013 était encore protégé au moment des faits, aucune preuve n’avait été apportée d’une cession des droits du dirigeant à la société. Faute de ce transfert, la société ne pouvait agir en justice sur la base de ce modèle.

Propriété intellectuelle et droit d’auteur : démontrer l’originalité d’une œuvre

La décision du tribunal judiciaire de Lille se révèle particulièrement intéressante concernant le second fondement juridique invoqué par la société SBT Columbarium, à savoir la contrefaçon de droit d’auteur.

Face aux accusations de reproduction illicite des plans d’aménagement paysager d’un site cinéraire, le défendeur a opposé une objection classique : selon lui, la société SBT Columbarium n’apportait pas la preuve de l’originalité des œuvres revendiquées, condition préalable à toute protection par le droit d’auteur.

En réponse, la société soutenait que les photographies produites suffisaient à démontrer l’originalité de ses plans et, par conséquent, la copie réalisée par l’artisan dans le second site funéraire.

Le tribunal a toutefois rappelé un principe fondamental : la charge de la preuve de l’originalité incombe à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur. Il ne suffit pas de montrer une œuvre prétendument imitée ; il faut établir que cette œuvre porte l’empreinte personnelle de son auteur, à travers des choix esthétiques ou techniques qui traduisent un apport créatif individuel.

Cette démonstration constitue une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon : sans preuve explicite de l’originalité, l’action ne peut prospérer.

Constatant que la société SBT Columbarium n’avait pas suffisamment étayé l’originalité de ses plans, la juridiction a rejeté la demande, sans même examiner l’existence d’une copie effective.

Une décision centrée sur la recevabilité formelle des actions en contrefaçon

Dans cette affaire, le tribunal judiciaire de Lille a appliqué avec rigueur les règles encadrant la recevabilité d’une action en contrefaçon de droit d’auteur, sans même avoir à se prononcer sur le fond du litige. Autrement dit, même si la société SBT Columbarium pouvait effectivement avoir subi une atteinte à ses droits, son action n’a pas été jugée recevable en l’absence de démonstration suffisante de l’originalité des œuvres concernées.

Déboutée à la fois de son action en contrefaçon de modèle et de son action en contrefaçon de droit d’auteur, la société a été condamnée aux dépens ainsi qu’au remboursement des frais de justice engagés par la partie adverse.

Le tribunal a rappelé à ce titre que :

« Il appartient à celui qui se prévaut d’une violation de ses droits d’auteur sur une œuvre originale de justifier de cette originalité […] de faire la démonstration que l’œuvre revendiquée porte l’empreinte personnelle de son auteur résultant d’un travail créatif et de choix arbitraires. »

Cette affaire illustre l’importance, pour tout titulaire de droits d’auteur, de préparer rigoureusement la preuve de l’originalité de ses créations avant d’engager une procédure judiciaire. 

 

LIVRE BLANC 2024

Réglementation funéraire : comment être aux normes ?

Découvrez dans ce livre blanc, les règles d'or de la réglementation funéraires ainsi que des exemples et des modèles directement applicables pour votre agence funéraire.

 

LIRE LE LIVRE BLANC