Renouvellement anticipé d’une concession funéraire : que dit la réglementation ?

Eliott RUBINI    |   04/06/2025
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Le renouvellement anticipé d’une concession funéraire soulève des questions juridiques : éclairage sur les règles et les réponses du Gouvernement.
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Renouvellement anticipé d’une concession funéraire : l'absence de réponse du Gouvernement sur les tarifs

Question écrite n° 02682, JO Sénat, Q, 20 février 2025

Une sénatrice attire l’attention sur les difficultés concrètes liées au renouvellement anticipé des concessions funéraires. Elle s’appuie sur une pratique observée dans plusieurs communes, visant à contourner, selon ses propres termes, « l’obstacle de l’interdiction d’ouvrir une sépulture dans un délai inférieur à 5 ans à compter de la dernière inhumation (art. R. 2223-5 du Code général des collectivités territoriales – CGCT). Le maire conditionne alors la délivrance d’une autorisation d’inhumation au renouvellement préalable de la concession lorsque son échéance doit intervenir dans les 3 ou 5 ans (circulaire du ministre de l’Intérieur, 1er mai 1928) (QE AN n° 99572). »

Elle s’appuie également sur les apports de la jurisprudence Pujol, que nous développerons par la suite, pour souligner que cette approche soulève plusieurs complications. Elle indique notamment que :

« Elle pose d’importantes difficultés dans la mesure où le tarif de renouvellement à l’échéance de la concession concernée n’est pas forcément connu, et que l’émission d’un titre de perception à l’expiration de la concession initiale et non à la date du renouvellement anticipé expose la commune à un risque de défaut de paiement. »

Il convient de rappeler, à ce propos, que l’instruction n° 59-112 M01 du 23 juin 1959 précisait expressément :

« Le tarif applicable est celui en vigueur à la date où est passé l’acte de renouvellement. »

Interrogé sur ce point, le Gouvernement indique en retour que :

« Dans cette situation, en l’absence de jurisprudence spécifique, les dispositions de l’art. L. 2223-15 du CGCT doivent être lues strictement. Le tarif applicable à un renouvellement anticipé de concession funéraire est donc celui qui est en vigueur à la date du renouvellement. Il appartient par ailleurs au maire, s’il l’estime opportun, d’inclure les dispositions relatives au renouvellement, y compris anticipé, des concessions funéraires au sein du règlement du cimetière. »

Ce positionnement a pour conséquence pratique d’imposer aux communes de conserver l’historique des tarifs des concessions, car ils deviennent une référence indispensable pour déterminer le montant applicable au moment du renouvellement. Le renouvellement anticipé, juridiquement parlant, s’analyse comme une conversion contractuelle : il modifie la durée d’une concession encore en cours, sans rompre le contrat initial.

Malgré cela, les difficultés soulevées par la parlementaire restent difficiles à cerner, tout comme la réponse fournie par l’exécutif. Car affirmer que le tarif à appliquer est celui « en vigueur à la date du renouvellement » pose une question fondamentale : de quelle date parle-t-on exactement ? S’agit-il de la date de l’acte anticipé, ou de la date d’échéance initiale ?

La formulation laisse place à l’ambiguïté, et appelle à une clarification plus rigoureuse…

Le renouvellement des concessions funéraires

Le terme « renouvellement » désigne la conclusion d’un nouveau contrat dans un délai de deux ans après l’échéance d’une concession expirée. Il s’agit donc d’un nouveau titre, et non d’une simple prolongation.

À l’inverse, le renouvellement anticipé intervient alors que le contrat initial est encore en cours. Il modifie une clause du contrat (souvent la durée) : c’est une conversion contractuelle. Ces deux notions sont souvent confondues à tort dans la pratique.

Le droit au renouvellement est garanti par l’article L. 2223-15 du CGCT, et ne peut être refusé par le maire qu’en cas de trouble à l’ordre public. Le texte précise :

Art. L. 2223-15 du CGCT :
« Les concessions […] sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. […] Les concessionnaires et leurs ayants cause peuvent user de leur droit au renouvellement. »

L’interprétation de cette disposition a été clarifiée par l’arrêt Pujol (CE, 21 mai 2007, n° 281615). Dans cette affaire, une concession échue en 1990 n’a été renouvelée qu’en 1992. La commune souhaitait appliquer le tarif de 1992, alors que la famille demandait celui de 1990. Le Conseil d’État a donné raison à la famille, estimant que le tarif applicable est celui en vigueur à la date d’échéance de la concession, et non à la date du renouvellement effectif.

Dès lors, on peut s’interroger sur la réponse du Gouvernement qui, s’agissant du renouvellement anticipé, indique que le tarif applicable est celui « en vigueur à la date du renouvellement ». Cette formule, déjà source d’ambiguïté en matière de renouvellement classique, ne permet pas de clarifier la situation juridique des renouvellements anticipés.

Concession funéraire : pourquoi le renouvellement anticipé s’analyse comme une conversion

La notion de conversion s’applique lorsqu’il s’agit de prolonger la durée d’une concession funéraire, que ce soit à l’occasion d’un renouvellement ou pendant la période de validité du contrat initial. Ainsi, lorsqu'une concession d’une durée inférieure à cinq ans est étendue, on parle bien d'une conversion au sens juridique.

Toutefois, cette opération n’est envisageable que si le règlement du cimetière prévoit expressément des concessions de durée plus longue, conformément à la délibération instituant les différentes catégories de durées disponibles. En l’absence de cette possibilité dans la grille tarifaire ou réglementaire, aucune conversion ne peut être légalement envisagée.

Dans cette configuration, le maire n’a pas de pouvoir discrétionnaire : la conversion constitue un droit, au même titre que le renouvellement classique. Cela étant dit, cette conversion ne peut être mise en œuvre que si une concession d’une durée supérieure est effectivement proposée dans le cimetière concerné.

Le Gouvernement, de son côté, envisage une clarification du régime juridique applicable lorsque la nouvelle concession demandée aurait une durée équivalente ou inférieure à celle du contrat en cours, sans que celui-ci soit arrivé à son terme. Il s’agirait alors, en réalité, d’une nouvelle concession dans les faits, même si juridiquement il ne s’agit pas d’un nouveau contrat (CE, 12 janvier 1917, Deconvoux, Rec. CE, p. 38).

Enfin, l’article L. 2223-16 du Code général des collectivités territoriales prévoit explicitement :

« Les concessions sont convertibles en concessions de plus longue durée. Dans ce cas, il est défalqué du prix de conversion une somme égale à la valeur que représente la concession convertie, compte tenu du temps restant encore à courir jusqu’à son expiration. »

Ce mécanisme de conversion implique donc un calcul financier tenant compte du reliquat de la concession initiale, permettant d’ajuster le coût de la nouvelle concession plus longue.

Cette disposition entraîne deux remarques :

1 – Le calcul de la conversion d’une concession funéraire

Sur le plan juridique, la conversion d’une concession en une durée plus longue implique de tenir compte de la période restante du contrat initial. Autrement dit, lorsqu’une conversion est demandée avant la fin de la concession en cours, celle-ci n’est pas simplement prolongée : elle est remplacée par une nouvelle concession dont la durée est fixée selon les catégories prévues par le Code général des collectivités territoriales.

En vertu de l’article L. 2223-16 du CGCT, la valeur résiduelle de la concession en cours doit être déduite du montant à payer pour la nouvelle durée :

« Les concessions sont convertibles en concessions de plus longue durée. Dans ce cas, il est défalqué du prix de conversion une somme égale à la valeur que représente la concession convertie, compte tenu du temps restant encore à courir jusqu’à son expiration. »

Cela signifie concrètement que le temps non utilisé sur la concession actuelle ne peut pas être additionné à la durée de la nouvelle concession. La durée demandée s’applique de manière pleine, et le concessionnaire a droit à une réduction proportionnelle sur le prix, correspondant aux années déjà acquittées et non encore échues.

Ce mécanisme, pourtant clair dans son principe, aurait pu être rappelé explicitement dans la réponse du Gouvernement à la question parlementaire, ce qui aurait permis de dissiper des incertitudes sur la manière dont le calcul financier doit être opéré en cas de conversion.

2 – Conversion pour une durée plus courte : un flou juridique persistant

La question de la conversion vers une durée plus courte que celle initialement concédée fait l’objet d’un débat, en raison de l’ambiguïté du texte. À la lecture stricte de l’article L. 2223-16 du CGCT, seule une transformation en concession de plus longue durée semble permise. Il est donc juridiquement exclu, en l’état du droit, de réduire la durée d’une concession en cours via une conversion.

Pour autant, une réponse ministérielle antérieure (QE n° 99572, JOAN Q, 4 octobre 2016, p. 7884) laissait entrevoir une certaine ouverture à l’idée de renouvellements pour des durées plus courtes. Ce qui montre que la pratique administrative peut diverger de la lettre de la loi.

Un autre obstacle tient au fait que la conversion n’est possible que si une durée supérieure est disponible dans le cimetière concerné. Si le règlement ne prévoit qu’une seule durée de concession, aucune conversion ne peut être envisagée. C’est ce que soulignait une parlementaire dans sa question écrite :

« Ainsi, il est impossible pour une personne titulaire d’une concession limitative de la renouveler pour une même durée pendant la période de concession : elle doit soit la convertir en une concession plus longue, soit attendre la fin de la concession. Cette situation est perçue injustement par les administrés qui ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour convertir une concession limitative en une concession perpétuelle alors qu’ils ne souhaitent pas ou ne peuvent pas attendre la fin d’une concession, au regard des durées par nature très longues, pour la renouveler. »

Dans sa réponse, le Gouvernement reconnaît le flou actuel :

« Rien ne semble s’opposer, dans le cadre du renouvellement anticipé exposé ci-dessus, à la possibilité de convertir une concession pour une durée plus courte que celle accordée par le contrat initial, même si, en l’état actuel de la réglementation, aucune disposition ne le prévoit expressément. Le Gouvernement souhaite engager une réflexion visant à clarifier le renouvellement des concessions funéraires pour une durée plus courte ou équivalente sans attendre la fin de celle-ci. »

Ce passage est essentiel : il acte d’abord que le renouvellement anticipé est, juridiquement, une conversion, puis il ouvre la voie à une réforme du droit applicable.

Une modification simple de l’article L. 2223-16 du CGCT permettrait d’autoriser explicitement la conversion en cours d’exécution, pour toutes les durées prévues à l’article L. 2223-14, sous réserve qu’elles aient été instituées par délibération du conseil municipal.

Parallèlement, l’article L. 2223-15 pourrait être amendé pour préciser que les concessions temporaires, trentenaires ou cinquantenaires sont renouvelables pour n’importe quelle durée autorisée par le conseil municipal, et ce au tarif en vigueur au moment du renouvellement.

Une telle clarification permettrait de résoudre le flou qui entoure aujourd’hui les renouvellements anticipés, en particulier lorsque le temps restant sur la concession est inférieur au délai minimum d’inhumation de cinq ans, imposé par l’article R. 2223-5 du CGCT.

 

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