Dans un contexte de pression foncière croissante, notamment en zone urbaine, les cimetières modernes font face à une problématique d’espace limité. La gestion efficace des emplacements, et en particulier leur rotation, devient donc un enjeu central.
Pour y répondre, les maires disposent de leviers juridiques prévus par le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), permettant la reprise sécurisée des sépultures en vue de leur réaffectation.
Il est toutefois impératif de rappeler qu’une telle reprise administrative implique systématiquement l’exhumation des corps, l’emplacement devant être vidé de tout reste mortel avant toute nouvelle attribution.
La loi du 19 décembre 2008, dans son article 12, rappelle que le respect dû au corps humain subsiste après la mort, imposant une vigilance particulière aux autorités funéraires.
Dès lors, plusieurs questions se posent : quelles sont les règles encadrant ces exhumations ? Est-il possible de recourir systématiquement à la crémation des restes ? Et que faire lorsque le cimetière ne dispose pas d’un ossuaire ?
Les nécropoles modernes occupent le plus souvent un espace difficilement extensible du fait de la pression foncière, surtout en milieu urbain. Aussi, l’un des enjeux majeurs de la gestion du cimetière réside-t-il dans l’optimisation rigoureuse de l’utilisation des emplacements et de leur rotation.
Pour ce faire, le maire dispose de différents outils juridiques, notamment réunis dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), qui sécurisent la reprise des différents lieux d’inhumation en vue de leur réaffectation (CGCT, art. L. 2223-13 à 18).
📌 À noter : Toute reprise administrative d’une sépulture implique obligatoirement l’exhumation des défunts qui y étaient précédemment inhumés, l’emplacement devant être libre de tout corps avant de faire l’objet d’une nouvelle attribution (CGCT, art. L. 2223-17 et 18).
Cette gestion des restes mortels est étroitement encadrée par le droit. L’article L. 2223-3 du CGCT rappelle que les cimetières doivent assurer un service public respectueux de la dignité des défunts, et les opérations funéraires doivent s’y conformer.
Par ailleurs, la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, à son article 12, rappelle que : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. »
Cela impose aux responsables de cimetière une vigilance particulière lors des opérations de reprise administrative.
L’inhumation en terrain commun, quant à elle, est accordée gratuitement pour une durée de 5 années, appelée délai de rotation (CGCT, art. L. 2223-4). Une fois ce délai écoulé, la commune peut procéder à la reprise, sous conditions (CGCT, art. R. 2223-12 à R. 2223-23).
Ces dispositions posent plusieurs questions pratiques et juridiques fondamentales :
✅Quelles sont les règles à respecter pour procéder aux exhumations ?
✅Peut-on envisager la crémation systématique des restes mortels exhumés ?
✅Que faire lorsque la superficie du cimetière ne permet pas l’aménagement d’un ossuaire ?
Autant d’interrogations qui exigent une lecture attentive du cadre légal, mais aussi une gestion éthique et responsable des restes mortels, dans le respect de la mémoire des défunts et des familles.
L’exhumation des restes mortels est une opération particulièrement encadrée, tant dans ses modalités pratiques que dans ses implications juridiques.
L’article R. 2213-42 du Code général des collectivités territoriales, modifié par le décret n° 2016-1253 du 26 septembre 2016, prévoit que les exhumations doivent être réalisées soit en dehors des heures d’ouverture du cimetière au public, soit durant les heures d’ouverture, mais dans une partie du cimetière fermée au public.
Il revient au gestionnaire du cimetière de mettre en œuvre les protections visuelles nécessaires, afin de garantir la dignité des opérations et le respect dû aux défunts.
Selon l’article L. 2223-23 du CGCT, et en application de la circulaire du ministère de l’Intérieur n° 97-211 du 12 décembre 1997, les agents municipaux chargés des exhumations ne sont pas soumis à l’habilitation funéraire (CE, 6/2 SSR, 11 déc. 1987, Commune de Contes, n° 72998, Rec. Lebon).
En outre, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 a exclu cette prestation du champ des surveillances obligatoires donnant lieu à vacation. Par conséquent, la présence d’un mandataire de la famille n’est pas prévue par les textes, et la commune n’a aucune obligation de communication sur les dates de reprise des concessions échues.
Cette organisation, bien que réglementairement sécurisée, soulève parfois des interrogations en matière de transparence ou de droit à l’information des familles. Elle vise toutefois à garantir une gestion efficace des cimetières tout en préservant la dignité des restes mortels.
✏️ Une décision du Conseil constitutionnel vient modifier la pratique des crémations administratives
L’article L. 2223-4 du CGCT autorise le maire à faire procéder à la crémation des restes mortels exhumés, à condition qu’aucune opposition connue ou attestée du défunt ne soit constatée. Toutefois, cette disposition ne prévoit aucune obligation d'information des familles, notamment en cas de reprise des sépultures en terrain commun, ni sur l’échéance du délai de rotation, ni sur la possible crémation.
Cette absence d’information a été jugée problématique par plusieurs requérants, qui y ont vu une atteinte à la liberté de conscience des personnes inhumées, garantie par les articles 2 et 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil d’État a accepté de transmettre une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel, enregistrée sous la référence n° 2024-1110.
Dans sa décision du 31 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnels les mots « en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt », figurant au 2ᵉ alinéa de l’article L. 2223-4 du CGCT, tel qu’issu de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. Il a considéré que :
« Ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient d’obligation pour le maire d’informer les tiers susceptibles de faire connaître une telle opposition. En l’absence de cette information, la volonté du défunt ne peut être garantie, ce qui porte atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. » (Décision n° 2024-1110 QPC, 31 octobre 2024)
Toutefois, afin d’éviter des conséquences juridiques excessives, le Conseil constitutionnel a reporté au 31 décembre 2025 la date d’abrogation de ces dispositions.
🌐 Information des tiers, retrait des prothèses et traitement des cendres : ce que prévoit la loi
Afin de mettre fin à l’inconstitutionnalité relevée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2024-1110 QPC), il est désormais exigé que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou l’abrogation des dispositions actuelles, le maire informe, par tout moyen utile, les tiers susceptibles de connaître la volonté du défunt, lorsqu’il envisage une crémation de restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun.
Une fois cette obligation remplie, les services municipaux doivent prendre contact avec un crématorium afin d’en organiser les modalités logistiques et financières.
Avant toute crémation, un thanatopracteur doit impérativement vérifier l’absence ou procéder au retrait des prothèses à pile, en raison des risques d’explosion dans les fours crématoires. Cette obligation est issue d’un décret du 20 juillet 1998, rendant ce retrait systématique dans le cadre des inhumations.
Dans le cas où les cercueils d’origine sont effondrés, les restes mortels exhumés d’une même concession peuvent être regroupés dans un seul cercueil.
Les cendres restituées à la commune peuvent ensuite, conformément à l’article R. 2223-6 alinéas 3 et 9 du CGCT, être :
✅ placées dans une urne et déposées dans une case de columbarium,
✅ inhumées dans l’ossuaire,
✅ ou dispersées dans un espace spécifique du cimetière affecté à cet usage.
📝 À savoir : Les reprises administratives des sépultures, notamment lorsqu’elles impliquent l’exhumation et le traitement des restes mortels, relèvent de l’entretien obligatoire du cimetière. À ce titre, l’ensemble des frais engagés est inscrit au budget général de la commune.
Cela comprend notamment :
Cette prise en charge communale vise à garantir la continuité du service public funéraire, tout en assurant une gestion respectueuse et réglementée des restes mortels lors des reprises.
Entre dépôt à perpétuité, traçabilité des défunts et incertitudes juridiques
La commune a l’obligation légale de disposer d’un ossuaire affecté à perpétuité pour accueillir les restes mortels exhumés dans le cadre d’une reprise administrative (CGCT, art. L. 2223-4).
Les restes des personnes ayant manifesté leur opposition à la crémation doivent être identifiés distinctement au sein de l’ossuaire. Le nom du défunt ou les références de la concession reprise, en cas de regroupement, doivent être inscrits sur le cercueil ou la boîte à ossements avant leur dépôt.
Un dispositif pérenne de traçabilité doit être mis en place, même si aucun reste n’a été retrouvé dans la concession :
✅ registre papier ou informatique,
✅ stèle gravée, ou autre forme de mémorial.
Les familles ne peuvent pas demander l’exhumation d’un défunt déjà déposé dans l’ossuaire, mais peuvent récupérer le corps inhumé en terrain commun avant la fin du délai de rotation, c’est-à-dire avant son exhumation administrative.
Dans une décision du tribunal administratif de Nantes (n° 1801255, 8 avril 2020), une commune avait refusé la demande d’exhumation d’un défunt déjà transféré à l’ossuaire, invoquant l'absence de base réglementaire.
Le juge administratif a annulé ce refus, estimant que :
« Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au maire de refuser la demande par laquelle un membre de la famille d’un défunt demande à disposer de ses restes mortels inhumés dans l’ossuaire aménagé à cet effet. »
Cette position crée une incertitude juridique pour les gestionnaires. Le maire pourrait toutefois motiver un refus en invoquant la fragilité des reliquaires et les risques liés à leur manipulation.
De l'évolution réglementaire à la gestion pratique des dépôts d'ossements exhumés
Avant l’an 2000, l’ancien Code des communes distinguait deux types d’ossuaires :
Cette distinction figurait dans la partie législative du CGCT (art. L. 2223-4).
Depuis la codification réglementaire de 2000, cette distinction a disparu : il n’existe désormais qu’un seul type d’ossuaire, applicable à toutes les sépultures, les dispositions étant insérées dans la partie générale.
📌 À noter : Terminologie à connaître
Respect et dignité : un cadre juridique impératif
L’article 16-1-1 du Code civil, introduit par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, dispose que :
« Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres, doivent être traités avec respect, dignité et décence. »
Les articles 225-17 et 225-18 du Code pénal répriment toute violation de sépulture ou atteinte à l’intégrité du cadavre, soulignant la nécessité de veiller scrupuleusement au respect des restes mortels durant toute opération d’exhumation ou de transfert, même au sein d’une même nécropole.
L’ossuaire constitue un équipement coûteux et exigeant en espace. Pour concilier les obligations légales avec la préservation du patrimoine funéraire, il est possible :
Dans ce cas :
Tout transfert de restes mortels ou d’ossements, même à l’intérieur du même cimetière, doit être réalisé avec le plus grand respect et dans des conditions de dignité conformes aux textes en vigueur.
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